« Les règles de l’art sont inexistantes pour ces matériaux nouveaux »

Interview de Stéphanie Bondoux, Directrice certification et Evaluation d’Hoffmann Green.
Les technologies dites de rupture comme les ciments Hoffmann passent obligatoirement au crible de l’évaluation pour être assurées et commercialisées. Évaluation du matériau et de ses performances, de sa durabilité et de sa résistance aux dégradations, de ses performances environnementales et sanitaires : tout est mesuré.
Focus sur la loi Spinetta
En France, la loi Spinetta du 7 janvier 1978 encadre la responsabilité et impose l’assurance dans toute la chaîne de la construction. Tant pour le maître d’ouvrage (assurance dommage-ouvrage) que pour le maître d’oeuvre (assurance décennale), le maillon de l’assurance est incontournable pour commercialiser un produit de construction. Deuxième volet de la loi Spinetta, l’obligation du contrôle technique par une tierce partie indépendante face à d’éventuels dommages pouvant porter atteinte à la solidité et à la durabilité de l’ouvrage ou à la sécurité des personnes. Ce contexte normatif génère des normes fortes, souvent perçues comme des freins majeurs à l’innovation.
Certification ou évaluation ?
Si un produit rentre dans une norme existante, il doit être certifié pour être référencé en tant que technique dite « courante » par les assurances (voir l’encadré cicontre). Pour Hoffmann, un seul produit, le H-IONA, premier ciment européen décarboné, rentre dans la catégorie des ciments sursulfatés. Puisqu’il répond à une norme existante – NF EN 206/ CN – il a pu obtenir son marquage CE en 2021. Pour ses autres produits, l’industriel vendéen a créé des nouvelles technologies, en supprimant entièrement le clinker, matériau de base traditionnel qui fait la prise du béton. Les règles de l’art sont donc inexistantes pour ces matériaux nouveaux. Ceux-ci doivent passer par l’étape d’évaluation pour être assurables et commercialisés.
En quoi consiste l’évaluation du matériau ?
Première étape de l’évaluation, qualifier le matériau. Ici, on parle chimie, composition, etc. C’est une véritable carte d’identité du matériau qui en ressort. Sont évaluées, par exemple, la performance mécanique du ciment (résistance, compression, etc.), sa propension à la déformation immédiate et à long terme. Ensuite, l’évaluation porte sur sa durabilité dans le temps : cinquante ans pour un bâtiment, cent ans pour un ouvrage d’art, comme un pont ou un tunnel. Les essais portent sur les dégradations occasionnées par le gel, le dégel, l’exposition aux chlorures apportée par les eaux de mer, les sols pollués… ainsi que sur la résistance aux charges en fonction des usages, logements ou bâtiments industriels, et aux dégradations de type séisme ou incendie. H-UKR est la seule technologie de rupture à avoir prouvé un niveau de durabilité de cent ans !
Comment se passe l’évaluation du béton ?
Pour ces nouveaux ciments décarbonés, un partenariat avec le CSTB était nécessaire dès la création de l’entreprise en 2014. Les évaluations des bétons sont menées sur la base d’études, de recherches universitaires, d’analyses, d’expertises et de nombreux essais. L’équipe composée de représentants techniques d’Hoffmann, du CSTB, de chercheurs et d’universitaires, du bureau de contrôle, définissent les méthodes d’essais et évaluent les résultats. Une ATEx (appréciation technique expérimentale), laissez-passer indispensable à la commercialisation, est ensuite délivrée par un tiers indépendant et sanctionne les essais de laboratoire. Le béton est alors reconnu par les assurances et peut être utilisé pour la construction.
Cette étape normative est-elle un frein à l’innovation ?
Le travail d’évaluation fait partie intégrante du processus d’innovation. « Il faut compter plusieurs millions d’euros et quelques années pour mettre une innovation de rupture sur le marché. » À ce rythme, une optimisation progressive est nécessaire et les évaluations se font en continu, financées par les premières commercialisations et les levées de fonds. Ainsi, depuis le début de l’année 2022, les ATEx se multiplient chez Hoffmann, qui est passé, pour son ciment H-UKR, d’un accord sur les bâtiments R+3 à des bâtiments IGH, des voiles intérieurs aux poteaux. Actuellement, ce sont les escaliers hélicoïdaux qui sont en voie d’être validés par le CSTB.
L’incontournable évaluation carbone
Le sujet ne serait pas complet sans l’évaluation environnementale et sanitaire des produits. La mesure de l’impact carbone des ciments sur leur cycle de vie, depuis l’extraction des matières premières jusqu’au recyclage du béton en fin de vie, est également réalisée avec la plus grande transparence. Rappelons que H-UKR ne contient pas un gramme de clinker et présente une empreinte carbone divisée par 3,5 par rapport à un ciment traditionnel. •
Cette entrevue est issue des pages 22 et 23 de notre magazine ForHum, actuellement proposé en libre consultation sur notre site.